Quand la mode rencontre l’art de la scène

Comment mettre en scène la mode ? Comment, d’un simple défilé pouvons-nous passer à un spectacle inoubliable ? Ici, est le défi de la Maison Chanel et par la suite de biens d’autres maisons s’en inspirant. 

Avant de commencer, il nous faut définir les termes de l’art de la scène pour mieux comprendre comment la mode l’a utilisé.

Qu’est ce que l’art de la scène ?

L’art de la scène regroupe la danse, le théâtre, l’opéra, les arts du cirque, de la marionnette, de la rue, des concerts et tout autres spectacles vivants. Cet art s’effectue par la co-présence d’actants, ceux qui donnent à voir et/ou à entendre, et par un public. 

Quand la mode se met en scène, c’est tout un travail derrière l’univers du créateur. 

Derrière les défilés se cachent des scénographes : Alexandre de Betak, Etienne Russo, Stefan Lubrina, Jean Paul Cauvin, Raymond Sarti, Gil Tardieu… Leur but étant d’émerveiller le public et de venir sublimer les collections des créateurs, et de transformer la scène et la salle en l’univers de la collection.

On rencontre ainsi, une fusion entre l’art et le secteur du luxe car sans cet art de la scène, on ne pourrait offrir de tels prestations lors de la Fashion Week. 

Dans ce métier de l’ombre, on peut citer l’un des plus connus et qui a à son actif des milliers de défilés : les Bureaux Betak avec à la direction Alexandre de Betak qui cherche à mettre en scène l’âme de l’artiste, traduire son message et retranscrire sa vision du mieux possible. 

C’est le défi de la Maison Chanel, présente depuis 1910 dans ce domaine. Au fil des années, malgré des difficultés, elle ne cessera de grandir et de créer sa place dans le secteur du luxe, et ça, dans le monde entier avec son allure chic, épurée et intemporelle. Depuis 1983, sous la direction artistique de Karl Lagerfeld, elle ne cesse de présenter des collections représentant l’esprit de la Maison et ainsi des défilés inoubliables. Il opte cependant pour un nouveau concept lors des défilés de mode de Haute Couture en s’offrant les services exclusifs de l’un des plus beaux mannequins des années 1980, Inès de la Fressange, pour promouvoir la marque. C’est une idée unique reprise depuis par de nombreuses marques, elle deviendra l’égérie de chez Chanel.

Chaque collection est attendue par les clients, tous passionnés et professionnels. Les défilés sont, eux, conçus comme de vrais shows avec, en premiers spectateurs, les plus grandes stars internationales fidèles à la maison de couture, toujours présentes aux côtés de Karl Lagerfeld.

C’est le 5 février 1954, que Gabrielle Chanel fait son grand retour, alors âgée de 70 ans, avec un défilé dans la rue Cambon à Paris. 

Quand en 1983, Karl Lagerfeld prend la direction artistique, avant d’assister à de très grands shows, il commence dans la simplicité. C’est à partir de 2005, que les défilés deviennent plus spectaculaires et auront lieu chaque années au Grand Palais qui est un lieu d’accueil privilégié pour mettre en valeur les défilés des grandes maisons de couture avec des mises en scènes spectaculaires et des vêtements de rêve resplendissant dans l’espace et la lumière incomparable du dôme. Karl Lagerfeld fut attiré par le Grand Palais dès son enfance : « J’ai découvert le Grand Palais quand j’étais encore enfant, lors d’un Salon de l’auto. Mais l’un de mes plus beaux souvenirs, c’est, à la fin des années soixante, une représentation des ballets de Maurice Béjart dans cet espace extraordinaire », explique le couturier. Ainsi, ce rapport à l’art de la scène coïncide, à la place des danseurs, il pouvait imaginer ses mannequins déambuler autours de ses magnifiques décors. Ce lieu devient alors un une station de départ pour fusée, une plage, un centre commercial ou encore il y reproduira la tour Eiffel. 

Dans le cadre des collections croisières et métiers d’art, le Grand Palais permet de pouvoir inviter plus de monde. En 2005, c’est avec un écran géant qu’il attire l’attention car la scénographie permet à Chanel de tirer son épingle du jeu. En 2006, c’est une tour Chanel qui prend place sous la verrière. Les saisons suivantes, on peut y découvrir des nuages flottants ou bien un nœud papillon géant. La maison ne cesse de monter d’un cran lors du défilé Haute Couture printemps-été 2008 où, sous les yeux des spectateurs entrant sous le dôme, ils découvrent une veste quatre poches blanche (pièce phare au double « C »), monumentale occupant tout l’espace. Depuis, les décors ne continue d’être de plus en plus spectaculaire et ayant un niveau de folie grimpant, défilé après défilé. On passe du lion en cuivre à une mappemonde surdimensionnés, d’un véritable iceberg de 265 tonnes transporté de Suède, une ferme d’éoliennes, un manège à bijoux grandeur nature, des maxi bouteilles de Chanel N°5 ou encore un théâtre apocalyptique, rien n’arrête le génie créatif du directeur artistique.

Qu’il s’agisse de la rue Cambon, d’une maison de poupée, d’un terminal d’aéroport, d’une brasserie baptisée « Gabrielle », d’un casino VIP, ou même d’un lancement de fusée, tout semble possible pour Chanel.

Tous les défilés s’orchestrent comme un décor de pièce de théâtre, lors de certaines représentations les invités sont même installés dans le décor : il leur fait vivre un véritable show. 

Tout est calculé au millimètre près, et on peut faire le rapprochement avec l’art de la scène étant donnée que la confection des défilés sont autant travaillés qu’un spectacle. Nous pourrions même dire plus, car les mannequins doivent avoir une prestance représentant l’univers mais aussi une prestance pour rendre les collections sublimes : elles endossent un rôle d’artiste. 

Karl Lagerfeld fait devenir le Grand Palais comme le théâtre de la création de la mode. 

Chanel a un lien particulier avec le Grand Palais et vient jouer un rôle de mécéne exclusif pour  lui permettre une belle rénovation : ici, nous retrouvons une fois de plus un lien entre la mode et l’art.

Cependant, ce n’est pas la première fois que Chanel vient à être un mécène, Gabrielle Chanel s’intéressait beaucoup à la danse qui fait partie des arts de la scène. Dans la vidéo suivante, on nous explique son rapport à cet art ; peut-être que ce coté scénique des défilés de Karl Lagerfeld vient de l’histoire que Gabrielle Chanel entretenait avec la danse ?

Ce lien entre mode et danse se retrouve chez d’autres Maisons. La Maison Valentino l’utilise lors de sa collection automne-hiver 2016. Elle promeut, lors d’une séance photo, ses créations autours d’une danse menée par les mannequins. La danse vient sublimer les vêtements leur permettant de donner l’impression de flotter. Cette séance à lieu dans un décor contemporain rappelant le ballet Café Muller de Pina Baush. 

Egalement, la Maison Alexander McQueen quant à elle, coopère avec la danseuse Marie-Agnès Gillot. Mais aussi, la Maison Bottega Veneta entrepris une campagne similaire en 2015 en travaillant sur un film, voulant retranscrire leur savoir-faire avec une harmonie visuelle et sonore. 

De mon point de vue, les défilés de mode servent à montrer le travail de la Maison comme un spectacle de danse où cette fois ci, c’est la compagnie qui fait une représentation pour divertir et montrer à son tour le travail effectuer. Tout deux, ils viennent présenter à un public leur savoir-faire et on peut comparer un défilé à un spectacle car on retrouve des éléments communs comme le public, les lumières, les décors, la musique, la chorégraphie et les différents intervenants (mannequins et danseurs). Ses deux arts se rejoignent en un même point commun : mettre en avant la beauté du corps humain. On peut percevoir un aspect marketing également, du fait de collaborer avec des danseurs influents vient alors toucher une clientèle plus large. 

A la prochaine, pour en apprendre un peu plus sur l’élégance du luxe !